PROFILS DE PAUVRETE VILLAGEOIS
ET  ETUDE  REGIONALE

Analyse selon l’Approche des Moyens d’Existence Durable

RAPPORT D’ANALYSE REGIONALE
REGION Alaotra Mangoro  

INTRODUCTION

L’étude des moyens d’existence durable des ruraux pauvres réalisée dans treize régions de Madagascar s’est inscrite dans le cadre de la préparation du nouvel Exposé des Options et Stratégies d’Intervention pour le Pays (COSOP). Elle s’est basée sur l’approche des moyens d’existence durable (AMED) qui cherche à relier les facteurs de vulnérabilités et le milieu institutionnel et les politiques, les stratégies et les aspirations des différents groupes au sein de la population. Tous ces éléments jouent sur l’interaction entre les différents niveaux (la personne, la famille, la communauté, les organisations, les collectivités territoriales  et l’État). L’AMED vise à valoriser les forces et les dynamiques des pauvres  et à faciliter leur intégration dans les processus de développement.

Cet exercice s’est déroulé sur le terrain avec pour priorité de donner la parole aux pauvres afin de connaître leurs forces, aspirations, contraintes, vulnérabilités et les facteurs qui influencent leurs moyens d’existence. Donner la parole aux pauvres permet, dans un premier temps, de dégager les dynamiques de vies, leurs stratégies et capacités de résilience face aux chocs et vulnérabilités, de comprendre les mécanismes relationnels avec le monde extérieur  (famille, collectivité locale, institutionnel,…).  Elle permet également d’identifier les catégories et les problématiques propres des différents groupes, y compris les plus vulnérables, d’obtenir un éclairage concret des thématiques liées la pauvreté, d’identifier des mécanismes afin que leur voix soit entendue et devienne partie intégrante des stratégies de développement durable tant au niveau local que régional.

Dans un deuxième temps, les résultats sont discutés au niveau de la communauté, et au niveau communal et régional, afin de dégager des éléments de réflexion qui s’appuient sur ces dynamiques sociales. Ils orientent la réflexion sur la recherche de mécanismes pouvant contribuer à la réduction des inégalités entre les différentes couches sociales au sein d’une même communauté en mettant un accent particulier sur l’inclusion sociale des plus pauvres.  D’autre part, il est essentiel d’assurer une articulation réelle avec les politiques de croissance en inscrivant les orientations et les stratégies pro pauvres dans une vision communale, régionale et nationale. 

1. LE GRENIER A RIZ DU PAYS

La région Alaotra-Mangora, a une superficie de 33 054 km2, comprend 5 districts, dont 3 incluent la cuvette du Lac Alaotra, et 79 communes. Elle a une population de 1 112 500 habitants pour une densité moyenne de 33,66 habitants/km2, inégalement répartie (Le district d’ Andilamena avec ses 12 habitants au km² présente la densité la plus faible). La population est composée en majorité de l’ethnie Sihanaka dans le Nord et de Bezanozano et de Betsimisaraka au Sud et à l’Est. Les Merina et les Betsileo sont arrivés dans les dernières vagues migratoires. Ils sont minoritaires, mais présents dans toute la région D’importants phénomènes migratoires saisonniers sont observés aux périodes de semis et de récolte du riz. La région constitue  une « mosaïque ethnique ». La zone est enclavée une partie de la saison des pluies. Néanmoins, Ambatondrazaka est relié à la RN 44 en cours de réhabilitation et à la voie ferrée.

La Nord de la Région est occupé par des cuvettes lacustres (Alaotra, d’Andilamena et de Didy), qui alternent avec de vastes plateaux intermédiaires d’altitude moyenne de 700 mètres. Les zones basses sont composées par les marais appellée ‘’Zetra’’ et les eaux libres de l’Alaotra et d’Antsomangana. Les bassins versants sont très fragilisés par les fréquents feux de brousse et sont actuellement le siège  d’importants phénomènes d’érosion, qui se caractérisent par les ‘’lavakas’’, qui forment des saignées béantes sur le flanc des collines . Dans la zone Sud, appelée Mangoro (districts de Moramnaga et Ansibe An’ala), des formations de type falaises alternent avec des dépressions marécageuses.

La région constitue le principal bassin rizicole de Madagascar, avec environ 120.000 ha de rizières. La production rizicole annuelle oscille entre 250.000 tonnes et 300 000 tonnes, dont 80.000 tonnes en moyennes sont exportées. Les principales autres cultures sont le manioc (175 000 tonnes), la pomme de terre (49 000 tonnes), le maïs (50 000 tonnes) et la canne à sucre (50 000 tonnes). Le cheptel bovin comprend environ 265 000 têtes, les captures de poisson avoisinent (2000 à 2500 tonnes par an) et la pisciculture se développe. L’élevage ovin s’est particulièrement développé en réponse aux ravages de l’épidémie de peste porcine africaine, au même titre que l’aviculture et l’élevage de palmipèdes. Cette région se marque par son dynamisme économique et présente des conditions favorables pour une intégration plus forte du paysannat avec le secteur agroindustriel. Certains ménages des districts d’Ambatondrazaka et d’Amparafaravola tirent des revenus conséquents de la pêche.

La région Alaotra Mangoro dispose de 350 000 hectares d’aires protégées (Réserves naturelles intégrales, réserves spéciales, Parc national, réserve forestières, forêts classées,…). Une plantation forestière de 60 000 ha à usage industriel est gérée par la société Fanalamanga.  Les activités extractives sont localisées à Andilamena et Andasibé. Les populations des districts de  Moramanga et de Anosibe An’Ala, tirent une part importante de leurs revenus de l’exploitation forestière. Le bassin du Lac Alaotra est un milieu fragile qui héberge une flore et une faune unique. Cette biodiversité est menacée simultanément par les activités agricoles et la pression sur les ressources ; en particulier les problèmes d’érosion sur les bassins versants. L’arrivée de migrants et la spéculation foncière sur les rizières ont renforcé les pratiques de tavy dans les zones forestières et développé les cultures sur tanety. Sur ces zones, le niveau d’intensification agricole est faible (monoculture traditionnelle, faible utilisation d’engrais et de semences améliorées non à la portée des ménages, matériels et outillages sont insuffisants,…). Ces pratiques ont un impact direct sur l’ensablement du Lac Alaotra et des principaux plans d’eau de la Région.

Le taux net de scolarisation est de 82% en 2004. Cependant, dans les zones enclavées comme Andilamena, plus de 15% des enfants de 6 à 14 ans ne sont pas scolarisés. Il existe plus de 1000 établissements primaires dans la région dont 13 % sont privés. En niveau II, ce ratio est de 46%, car il y a 26 écoles privées sur 57 dans toute la région. Pour le niveau II, le privé est nettement supérieur car il y 11 écoles privées contre 5 écoles publiquess.

La Région compte 68 CSB2  et 64 CSB1. En moyenne, la région possède 1 médecin pour 8450 habitants.

Jusqu’en 2004, les GTDR du Lac Alaotra et du Mangoro étaient séparés. Leurs politiques de développement et leurs relations institutionnelles ont suivi jusqu’en 2004 des trajectoires propres, autour de problématiques différenciées, bien que liées. L’administration territoriale de l’Alaotra est correctement dotée en effectifs, cela grâce au poids économique de la région, et continue à l’être. En revanche, les services présents dans le district de Moramanga ne disposent pas des mêmes conditions de travail (sous effectifs, locaux insuffisants,…).

La Région mise ne place en 2004, dispose d’un statut mixte, d’administration de proximité et de Collectivité Territoriale chargée d’organiser et de coordonner le développement économique, culturel et social sur son territoire. À l’heure actuelle, l'exécutif régional est désigné, et s’appuie sur une instance délibérative : le conseil Régional. Le Chef de Région est le représentant de l'État et a vocation à diriger l'ensemble des services de l'État présents dans sa Région. Des démembrements de la Région ont été installés au niveau district, et sont chargés à la fois de l'administration territoriale et du développement.

Certains services de l’Etat ont été installés assez récemment (2005), et la plupart des administrations sont aujourd’hui représentées par des Directions (MAEP, MENRES) ou des services Régionaux, avec d’importants déséquilibres entre les districts.

La commune est la seule collectivité territoriale décentralisée de plein droit. Elle est pourvue d’un conseil communal (législatif) et d’un maire (exécutif) élus. Elle regroupe plusieurs « fokontany », qui ont chacun un « chef de fokontany » désigné par le maire.

Pour la coordination des programmes d’action de développement au niveau de la région, un comité régional de développement (CORDAL) a été installé ; il regroupe des représentants de chaque secteur d’activité, de chaque district et de chaque commune. Ces différents acteurs de développement local se réunissent pour réfléchir sur les problèmes permettant de mettre en œuvre des reformes structurelles, d’identifier les principales contraintes et de définir les axes d’orientation prioritaires pour le développement de la région.

Les maires de la Région ont mis en place une association assez active. Les relations entre les élus communaux et la Région sont assez tendues.

La plupart des communes disposent d’un Comité Communal de Développement (CCD). Le fonctionnement de ce CCD est assez variable d’une commune à l’autre.

Dans les villages visités, les hommes participent aux travaux d’entretien des pistes et autres infrastructures collectives. A Antaimby, les hommes consacrent en moyenne une journée par semaine pour réhabiliter la piste, entretenir l’école,….. Ceux qui ne viennent pas sont passibles des sanctions prévues par le dina (règle collective).

La région du Lac Alaotra a été une zone d’investissement importante ciblée par la plupart des bailleurs de fonds (Banque Mondiale, AFD, BAD, Union Européenne,…). La grande plaine qui constitue le grenier à riz, engrange des financements importants depuis les années 1960, en particulier pour aménager des casiers rizicoles. L’aire de mise en valeur rurale a été instaurée avant la grande réforme agraire des années 1960. La grande société d’Etat régionale de développement rural, la SOMALAC est intervenue dans la zone pendant plus de trente ans.  Durant cette période, la population a pu bénéficier de tous les avantages liés à ce système : mise en place des magasins de stockage, vente et achat des produits phytosanitaires et intrants, achat et vente des récoltes, réhabilitation des périmètres irriguées, organisation des bénéficiaires, encadrement des paysans par des techniciens formés et expérimentés….

Après la dissolution de la SOMALAC, le PNVA et le Programme Sectoriel Elevage ont permis une nette amélioration des rendements, mais aussi une diversification de la production agro pastorale. Actuellement, la région jouit de la présence importante d’organismes d’appui et d’encadrement étatiques ou privés.

Plusieurs programmes interviennent sur les problématiques de développement agro pastoral. Les plus importants sont le PSDR, les programmes Bassin Versant Lac – PC 15 (Financement AFD), Bassin Versant PC 23 (Financement JICA), Bassin Versant Anony (Financement Banque Mondiale), le programme ERI qui appuie les coopératives Kolo Harena (Financement USAID), la Maison du Petit Elevage dispose d’une antenne sur le Lac (Financement SCAC). Les actions de ces programmes sont souvent relayées par les ONG, qui ont mis en place une coordination régionale (COR). Certaines d’entre elles fonctionnent sur la base de programmes autonomes (VSF, SAF/FJKM, TAFA,…).


Différents groupes privés sont implantés sur la zone (MSILAC MADRIGAL, Etablissement Roger, Groupe TIKO,….); certains entretiennent des relations  contractuelles directes avec les producteurs (SILAC). La plupart des fournisseurs d’intrants disposent également de représentants sur place.

Le FOFIFA dispose d’une station sur place, et le Centre Semencier d’Anosy Bori Bori vient d’être privatisé. Le Centre de Formation Agricole d’Ambatondrazaka est appuyé par la Région Réunion.

La Région dispose d’importante ressources naturelles qui font l’objet d’une attention particulière (Corridor forestier Oriental, la cuvette du Lac est classée site RAMSAR). Différentes structures à vocation environnementale interviennent ainsi sur la zone : Agence Nationale d’Action Environnementale (ANEA), World Wild Fund (WWF), Conservation Internationale, Durell Wild Conservation Trust (DWCT). L’ANGAP gère le site d’Andasibe.

D’autres programmes interviennent également sur la zone; le Fonds d’Investissement pour le Développement (Infrastructures d’intérêt communal) et MISONGA (Renforcement des organisations de la société civile).

Deux structures de coordination des activités de développement fonctionnent sur la zone, le CORDAL et le GTDR (Appuyé par la Banque Mondiale).

Les réseaux CECAM et OTIV sont implantés dans la Région, principalement autour du Lac, et fournissent des services financiers de proximité. La Bank Of Africa (BOA) accorde également des crédits aux exploitants agricoles.

La vision de la région est «Alaotra Mangoro, exportatrice de riz et berceau de la nature» et cette vision constitue l’idée de ses axes stratégiques et de ses actes transversaux. Les responsables de la région proposent de considérer les axes stratégiques suivants :  

- Restaurer un état de droit et une bonne gouvernance de la société;

- Susciter et promouvoir une croissance économique à base sociale très élargie de la région;

- Susciter et promouvoir des systèmes de sécurisation humaine et matérielle et de protection sociale élargie

- Assurer une conservation et gestion rationnelle de l’environnement

Pour assurer la réalisation de ces axes, la région a adopté l’approche par pôles en considérant la taille de la région et les importantes disparités socio-économiques existantes entre les zones. Deux types de pôles ont été identifiés :

- des pôles économiques dont les critères d’identification sont la superficie et la productivité agricole, et les possibilités de développer l’élevage et la pêche….

- des pôles de développement social qui englobent des communes ou les indices de pauvreté sont assez hauts, ou les questions de survie sont les priorités et ou il faut privilégier les projets sociaux. Ces zones se présentent comme tel :

 - Pôle économique: Ambatondrazaka – Vohidiala, Tanambe – Ambatomainty,  Moramanga, Sabotsy Anjiro. Il s’agit de promouvoir des filières de production, en améliorant leur fonctionnement (Production, conseil, commercialisation, approvisionnement), et leur environnement (sécurisation foncière, sécurité, communication, désenclavement, information, crédit, développement des services et des marchés,….) ;

 - Pôle social : communes à l’Est du Lac (Didy, Soalazaina, Tanambao Besakay), Ranomainty dans le District d’Amparafaravola, Beparasy, Vodiriana, Lakato, Fierenana dans le District de Moramanga, toutes les Communes du District d’Andilamena, toutes les Communes du District d’Anosibe An’Ala. Il s’agit d’agir sur les principaux facteurs de pauvreté que subissent les populations : enclavement, faiblesse du semis de services sociaux, analphabétisme, absence d’encadrement.

Les potentiels touristiques existent et doivent être développés, en particulier autour de la réserve de Zahamena, des sites RAMSAR, des réserves spéciales (gîte Fanihy d’Amboasary et Analamaotra Moramanga). Le parc national Andasibe Mantadia qui se caractérise par la richesse de sa faune et de sa flore, ainsi que différentes réserves forestières.

2. DES PROFILS DE PAUVRETE CONTRASTES

La problématique de vulnérabilité dans la Région Alaotra Mangoro, est liée à l’impact direct du développement de la pauvreté sur le potentiel de production (Dégradation des ressources en eau, en sol et forestières). La Région a intégré dans son PRD un pôle social et a identifié les communes concernées (cf. supra). Il conviendra de considérer dans notre analyse les communes qui ne sont pas directement rattachées au systèmes de production rizicoles intensifs spécialisés. Les communes ciblées par l’exercice AMED seront choisies au sein du pôle social (District d’ Ampafaravola et d’Andilamena)

Il s’agirait d’analyser comment insérer les « groupes fragiles » dans le processus de croissance sans que leur action altère les potentiels de production aval. Il est donc important de comprendre comment mettre en œuvre des  stratégies de développement et d’inclusion tout en maîtrisant et ménageant les ressources naturelles dont ces stratégies dépendent.

 -   Les critères de différenciation des communes ont été formulés autour de la  prévalence des tavy, ou de l’attraction des activités non ou para agricoles (mine, forêt), de l’intensité des mouvements de colonisation actuels et des mesures prises pour préserver les ressources (existence de mesures de conservation type GELOSE,…).

 -   Les critères d’identification des communautés prennent en compte les critères de pauvreté identifiés précédemment (analphabétisme, enclavement,…).

Les communautés ciblées sont :

 -   Antaimby, Commune Antanimenabaka, dans le district de Andilamena,

 -   Ampahirivola, Commune de Ranomainty, dans le district d’Ampafaravola

Les deux communautés ciblées sont confrontées aux exigences d’une longue période de soudure (5 à 7 mois), alors que la zone est globalement exportatrice de riz. Les principales causes de cette situation reposent sur la mauvaise gestion de la trésorerie des ménages, grevée en particulier par les problèmes d’usure. Une grande partie des paysans qui n’ont pas gagé leur production, sont obligés de vendre rapidement aux collecteurs une grande partie de leur paddy dès la récolte, soit pour rembourser les dettes, soit pour subvenir à des besoins de première nécessité  

La production rizicole qui n’est pas commercialisée pour payer les dettes  est généralement consommée en totalité par les familles. Rares sont les ménages qui possèdent des surplus. Beaucoup de familles vendent leurs stocks pour réagir à des obligations sociales contraignantes (décès,…) ou des problèmes sociaux (éducation des enfants, maladie,….). Dans ces cas,  la production du riz de l’exploitation n’assure que quelques mois de consommation.

Les ventes « précipitées » et prématurées ne sont pas à l’avantage des paysans. Lorsqu’elles s’opèrent avant le démarrage officiel de la campagne de commercialisation, le prix offert est très bas. Cela contribue à déséquilibrer davantage la trésorerie des ménages. Les processus de dépendance et d’appauvrissement, se traduisent souvent par l’aliénation par les familles pauvres de leurs rizières. Les marchés fonciers sont effectivement très actifs dans la région.

Pour survivre, les familles pauvres se rabattent sur les tanety. Les sols de pente sont fragiles et instables et favorisent la « lavakisation ». Au moment des pluies des ‘’ bedana’’ [1] sont emportés dans les rizières, dont ils affectent la qualité agronomique. Les rendements riz en subissent les conséquences.

Pour subvenir à leurs besoins, les ménages pauvres (dont les enfants), sont obligés de vendre leur force de travail. Ils sont engagés comme salariés agricoles en particulier pour les grands travaux. Ils interviennent au moment de la préparation du sol du repiquage, du  sarclage et de la récolte. Ceux qui ont une charrue et des bœufs louent ce matériel pour le labour. Le fait de monnayer sa main d’œuvre familiale (Paiement à la tâche) pendant les campagnes agricoles de durée assez courte, implique pour ces familles de délaisser leurs propres champs (Ressources monétaires possibles après la récolte). Les retards occasionnés par le salariat sur les exploitations des familles pauvres sont également accentués par le manque ou la vétusté de leur matériel agricole (Cas de Antaimby). De même, la force de travail des zébus, communément utilisés pour la préparation des sols de rizières est également affectée par les vols occasionnés par les dahalo [2] (cas Antaimby). Ainsi, la superficie cultivée par les familles pauvres se réduit, avec un impact proportionnel sur la production agricole. Les pratiques d’intensification sont contraintes par l’insuffisance d’encadrement et les difficultés d’accès aux intrants (coûts, conditions de crédit peu favorables aux ménages pauvres). Le développement des cultures sur tanety, est confronté aux mêmes types de contraintes (Insuffisance de main d’œuvre, de matériel, impossibilité de cultiver en contre saison,…). Les ménages pauvres se caractérisent à la fois par la faiblesse des ressources foncières et la faiblesse de la capacité de production (Priorisation du salariat, insuffisance d’équipements, absence de zébus,…).

Ceux qui ont des terres, mais qui n’ont pas de matériels sont obligés de mettre leurs parcelles en métayage. Tous les travaux sont à la charge des métayers, et le partage de la production se fait au 1/3 pour propriétaire et 2/3 aux métayers sur des terres de qualité médiocre, et à égale répartition (50-50) sur les bonnes terres. Les conditions de partage, et les stratégies des métayers qui sont également issus de familles pauvres (peu d’équipements, peu de technicité, peu d’intrants,…) ne vont jamais dans le sens de la performance agronomique. En fait, la production reste insuffisante tant pour le métayer, que le bailleur.

La libéralisation du commerce du riz a eu pour effet la prolifération de collecteurs clandestins, qui désorganisent la filière et contribuent à tasser les prix aux producteurs. Ces collecteurs ‘’ tir au vol’’ annoncent un prix supérieur au prix du marché normal mais se rattrapent largement sur le poids du paddy, lors du pesage.

Le phénomène dahalo a débuté depuis très longtemps à Antaimby. Les vols de bœufs ont, nous l’avons vu, un impact considérable sur la capacité de production des ménages. Les familles ne pratiquent plus l’élevage extensif, et en conséquence ne disposent plus de l’épargne sur pied pour résoudre des questions urgentes (décès, maladies,…). Cela les rend d’autant plus dépendantes de l’usure. Les familles qui disposent encore d’animaux sont obligées de les parquer dans des enclos tout près de leurs cases d’habitation. L’alimentation des animaux devient également une charge temps importante.

Le passage des cyclones comme Elita et Gafilo en 2004  a beaucoup affecté la population. Les impacts de ces cataclysmes sur les récoltes sont souvent considérables, et contribuent à réduire les marges de manœuvres des pauvres au moment de la période de soudure.

Malgré la proximité du lac Alaotra, les habitants des villages visités ne pratiquent pas la pêche. Les poissons sont achetés pendant les marchés périodiques. Des épizooties détruisent régulièrement le cheptel de poules et canards. Les produits de l’élevage constituent des sources de revenus pendant la période de soudure. La disparition de ces animaux peut aussi avoir des conséquences désastreuses.

Le ‘’fihavanana’’ [3] est très respecté, il favorise l’entraide, en particulier pour les travaux agricoles et les décès. Cela soulage certaines familles d’exigences financières qu’elles ne pourraient assumer seules.

Les traditions imposent certaines règles comme les jours fady  (jours tabous). Dans la Région, deux jours sont concernés le jeudi et le mardi.

La possession de rizières, leur qualité agronomique, et les modes de gestion de l’eau constituent les principaux facteurs de différenciation entre les riches et les pauvres.

La qualité de la rizière détermine également la sensibilité du ménage par rapport aux pratiques d’usure et de métayage qui contribuent à l’appauvrir davantage.

Le PRD insiste sur l’importance des disparités dans l’accès aux services sociaux. Les niveaux d’éducation du chef de ménage et de son épouse sont des facteurs forts d’inégalité. La plupart des mères de familles rencontrées pendant la mission insistent sur ce point. Les femmes considèrent que la scolarisation des enfants est une priorité. Quand les conditions de scolarisation ne sont pas réunies au village, les parents n’hésitent pas à envoyer leurs enfants en ville, dans la famille (Situation d’Amparihivola). L’assiduité des instituteurs dans les villages enclavés est faible, en particulier parce que les conditions de travail sont déplorables. Seuls quatre élèves des villages de à Antaimby et à Ankaiafo vont à l’école secondaire.

Les veuves sont souvent à la tête des ménages les plus pauvres. Le niveau de précarité est souvent la conséquence des importantes dépenses liées aux funérailles du mari.

L’éloignement des centres de santé est également une contrainte forte. Les malades sont généralement déplacés par charrette où à dos d’homme, quand cela est indispensable, pour rejoindre les centres de santé. Autrement les villageois ont recours à la médecine traditionnelle. Les problèmes liés à l’accès à l’eau potable, à l’insalubrité et à l’hygiène sont responsables de nombreuses maladies (diarrhée,  parasités,….). 

Le niveau de vie des ménages peut être catégorisé comme suit :

Les ménages pauvres sont ceux qui ne disposent que de peu de terre, peu d’équipements, et qui n’ont pas de zébus. Leurs capacités de production sont faibles et leur survie dépend soit du salariat soit de la possibilité pour eux de louer des terres. Les responsables des ménages pauvres et leurs épouses ont généralement un niveau d’éducation bas. La durée de soudure est souvent très longue.

Les ménages moyennement pauvres sont ceux qui ont des terres, mais qui n’ont pas suffisamment de matériels agricoles et donc sont obligés de mettre leurs parcelles en métayage. La qualité de la rizière est importante ; elle conditionne le niveau de revenu, et donc la nécessité ou non du ménage à recourir aux pratiques qui l’appauvrissent (usure).

Les ménages aisés sont avant tout ceux qui ont beaucoup de rizières de bonne qualité agronomique avec maîtrise de l’eau.

Les veuves sont souvent à la tête des ménages les plus pauvres. Le niveau de précarité est souvent la conséquence des importantes dépenses liées aux funérailles du mari, qu’elles n’arrivent pas à surmonter.

La période de soudure des ménages les plus vulnérables est assez longue ; elle commence vers le mois de Novembre et dure jusqu’au mois de Mai. Comme la zone est assez riche, les ménages pauvres recourent à multiples stratégies pour faire face aux difficultés. Les principales stratégies passent par :

- La réduction de la consommation journalière de riz (consommation une fois par jour, ou plus du tout), et le changement de mode de consommation (taro, manioc, maïs,….) ;

- L’usure qui traduit plusieurs formes de dépendance (Devoir de fournir une certaine quantité de travail, gager la production sur pied,…);

- La pratique du métayage, ou la location des terres dont la famille dispose, parce qu’elle ne dispose pas du matériel et de la force de travail suffisante pour les exploiter;

- La location du matériel agricole au profit des grands propriétaires (généralement associé à la fourniture de la main d’œuvre) ;

- Le recours au salariat agricole pour le chef de famille, la femme et les enfants en fonction des besoins,

- La diversification des activités (maraîchage, artisanat, petit élevage….), ou la pratique de cultures illicites (Tabac,…), cela principalement pour les ménages classés moyennement pauvres ;

- La vente de l’épargne sur pied (volaille, caprins, ovins,…) pendant les périodes difficiles,… ;

Quelques femmes s’adonnent également à des activités plus rémunératrices, comme la gargote ou l’épicerie. Ces activités sont très rémunératrices à la période de récolte.

L’existence de vastes superficies de tanety, utilisées actuellement comme pâturage, pourrait  permettre d’augmenter la production de culture sèche (manioc, maïs, arachide…). Ces stratégies sont à la fois freinées par l’insuffisance de matériel agricole, les ravages récurrents par les sangliers (Antaimby) et les vols. Les familles réduisent leurs activités à de petites parcelles.

L’élevage de volailles, l’apiculture et la vannerie constituent des sources de revenus pour les femmes. Certaines familles élèvent des coqs de combats.

Les villages visités disposent de potentiels certains : disponibilité de vastes superficies non exploitées de tanety, baiboho et bas fonds. Les capacités de production actuelles sont insuffisantes pour tirer parti de ces opportunités. Les populations souhaiteraient être épaulées par un projet pour développer leurs activités agricoles, se diversifier (artisanat), et mieux s’organiser.

Les villageois sont tous riziculteurs. Cette activité confirme leur statut social, leurs capacités de production et conditionne la sécurité alimentaire des ménages. Pour sécuriser cette activité, les ménages aimeraient améliorer les conditions de maîtrise de l’eau, grâce à la construction de barrages et des canaux. Cette priorité est aussi celle des élus.

Les communautés espèrent un désenclavement rapide. Les populations d’Amparihivola demandent la construction d’une école digne de ce nom, la prise en charge l’instituteur, la mise en place un CSB, et l’implanter d’une adduction en eau potable

3. ANALYSE DE LA CONTRIBUTION DES POLITIQUES A LA REDUCTION DES INEGALITES

Le bassin du lac Alaotra qui constitue le principal bassin rizicole du pays, est considéré à juste titre comme une zone à potentiel. Cette région a vu une évolution assez rapide des systèmes de production qui s’est accélérée ces dernières années, avec une plus grande concentration foncière, le développement de la mécanisation, et l’utilisation du salariat agricole, en particulier aux périodes de récolte (migrations temporaires). Les réallocations foncières ont progressivement conduit les petits exploitants à cultiver les tanety et à pratiquer le tavy. Ces logiques ont pour conséquence, en particulier, de réduire le couvert forestier, d’accélérer les processus d’érosion et d’ensablement du Lac et des rizières, mais aussi de stimuler de fortes disparités sociales. La région a retenu un certain nombre de critères pour identifier et localiser cette pauvreté (Revenus per capita, sous alimentation, prévalence de l’analphabétisme, état de santé des populations, enclavement, difficultés d’accès à l’eau potable, insécurité, instabilité foncière,…)

Le désenclavement constitue l’une des principales priorités à mettre en œuvre pour insérer les zones vulnérables dans l’économie de marché, et les accrocher au rythme de la croissance.

Un second point important réside dans l’amélioration des systèmes de production rizicoles en dehors de la cuvette du Lac. Cela passe par des petits aménagements, l’accès aux intrants et au conseil, l’amélioration de l’équipement des ménages, et bien évidemment l’accès à un crédit adapté.

La formation professionnelle constitue également un axe de travail important. Il s’agit de permettre aux ménages vulnérables d’adapter leurs pratiques et de pouvoir entrer dans des logiques de capitalisation, cela en considérant leurs vulnérabilités (Insuffisance de foncier,…).

En dernier lieu une meilleure organisation des pauvres et des filières qui les concernent plus particulièrement (maïs, manioc, légumineuses, petit élevage, artisanat,…), permettraient certainement d’élargir les opportunités des marchés, et de structurer progressivement les différents services qui manquent aujourd’hui cruellement aux ménages vulnérables. Il s’agit d’entrer dans des logiques d’amélioration de la rémunération du travail, de minimisation des risques financiers, commerciaux, et agronomiques (pour les activités agricoles). Un intérêt particulier doit continuer à être apporté au riz qui justifie ou amplifie la vulnérabilité des ménages (insécurité alimentaire). Les stratégies des ménages et leur endettement sont étroitement liés au stock de riz disponible.

La politique régionale associe à sa vision économique, en particulier dans les « pôles sociaux » des actions à caractère social dont le rôle est de réduire un certain nombre de contraintes chroniques à l’initiative. La politique « Ecole pour tous » suppose de desservir chacun de fokontany en infrastructures scolaires et d’y affecter du personnel enseignant qui ne soit plus à la charge des parents. Le renforcement des effectifs des personnels et des infrastructures sanitaires constitue également une action à mener de manière urgente. Cette action est liée à des interventions à caractère préventif pour agir sur des facteurs sensibles : les adductions en eau potable pour réduire les risques liés à l’eau, et le planning familial pour mieux contrôler les naissances et les effectifs des ménages à risque de vulnérabilité.

La mise en place de ces stratégies sociales de rééquilibrage repose en grande partie sur les communes, dont il convient de renforcer les capacités techniques, financières et d’investissement. De même la Région devrait affiner ses stratégies « zones vulnérables », en renforçant à la fois les cohérences entre les pôles de croissance et les pôles sociaux, et les cohérences entre les différents types d’intervention, de manière à ce que les inégalités ne se creusent pas, et que toutes les collectivités puissent tirer bénéfice de la croissance régionale. Il est important que la région se dote d’outils pour assurer cette coordination, s’appuie sur les instances de dialogue en place, et que les différents intervenants jouent ce jeu.


ACRONYMES

ANAE            : Association Nationale d’Actions Environnementales

ANGAP          : Association National pour la gestion des Aires Protégées

BV LAC         : Bassins Versants Lac Alaotra

CI                    : Conservation international

FID                  : Fonds d’intervention pour le développement

FOFIFA         : Foibe Fikarohana momba ny Fambolena (Centre de recherche agronomique)

FRAM            : Fikambanan’ny Ray Amandrenin’ny Mpianatra (Association des parents   d’élève)

LDI                 : Landscape Développement Intervention

ONG               : Organisation Non Gouvernementale

OSC                : Organisation de société civile

PRD                : Plan Régional de Développement

PNVA            : Programme National pour la Vulgarisation Agricole

PSDR              : Projet de soutien pour le développement rural      

RN                  : Route Nationale

SAF/FJKM     : Sampan’Asa momba ny Fampandrosoana / Fiangonan’i Jesoa Kristy eto  Madagascar (Cellule pour le développment au niveau de l’eglise FJKM)

WWF              : World Wide Fund


REPUBLIQUE DE MADAGASCAR

Synthèse des résultats de l’enquête FIDA sur les Moyens d’existence durable des paysans pauvres pour

l’Exposé des Options et Stratégies d’Intervention pour le Pays (COSOP)

Avril – Mai 2006


Facteurs de pauvreté identifiés par les pauvres

Situation géographique

Enclavement/accessibilité,

Proximité ville/marché/pôle économique

Accès aux ressources naturelles

Maîtrise de l’eau

Accès à la  terre

Biens/actifs/atouts

Terre (Rizières)

Zébus

Plantations

Matériel/équipements

Habitat/mobilier

Relations

Education

Accès à l’information et aux processus décisionnels

Accès aux services (Santé, hygiène,

AEP, prestations de services privé et public)

Entraide

Statut (Etat civil)

Appartenance sociale

Genre



Analyse des Forces et Facteurs d’inégalité

Forces / Atouts

Contraintes / Facteurs d’inégalité (observés au cas par cas)

Capital naturel

Terre

Aires protégées

Eau

Forêt et ressources végétales

Ressources Minières

Faune  (phacochères, zébus…)

Accès réduit ou inexistant : aux rizières, aux tanety, aux baiboho; surexploitation des sols, diminution de la disponibilité et la qualité des terres – accès régi par règles coutumières ou héritage

Accès à l’eau insuffisant, saisonnier, ou inexistence de sources en eau pérenne

Accès aux ressources forestières et végétales, réduites ou très éloignées, utilisation des racines

Accès aux ressources minières existantes, difficultés  d’accès et répartition des bénéfices

Interdiction de chasser le phacochère et divagation du bétail dans les champs de culture

Capital financier

Épargne sur pied (zébus, élevage à cycle court…)

Revenus de l’agriculture

Revenus liés aux activités illégales (vols, tabac, alcool local, prostitution…)

Artisanat

Institutions financières

Réseaux d’entraide

Revenus par la migration et les activités extérieures et salariat

Capacité de réaction aux chocs liés aux maladies animales et phytosanitaires et cataclysmes naturels

Ressources monétaires insuffisantes : obligation de payer en main d’œuvre, troc ou paiement en nature et recours aux activités illégales  (Investissements limités pour les intrants, matériel  agricole)

Conditions d’accès au crédit difficile : recours aux formes d’accès traditionnel, lien de patronage, conditions d’accès aux IMF non adaptées au contexte…

Faible disponibilité des ressources financières des communes et des investissements publiques en milieu rural

Capital Physique

Habitat

Matériel / équipement / boutiques

Groupe électrogène

Réseau téléphonique

Accès à l’eau potable

Infrastructures communales : locaux administratifs

Ecole primaire

Centre de santé

Infrastructures économiques : route et pistes, greniers  villageois  (GCV), marchés

Puits, barrages traditionnels et modernes

Habitat précaire/inadéquat (maison en terre, toit de chaume…), location et équipements, mobiliers sommaires

Absence de charrettes et de matériel agricole, utilisation de angady et du vélo

Accès à l’eau potable réduit ou inexistant dans la plupart des hameaux, utilisation de techniques traditionnelles

Électrification quasi inexistante et inaccessible, coûts élevés

École construite par les parents et instituteur payé par le FRAM, niveau bas et non conforme aux normes étatiques car difficulté de prendre en charge tous les frais

Accès routier parfois inexistant ou en mauvais état

Peu d’investissement d’infrastructures publiques et économiques (marchés, écoles, CSB, …)

Existence de puits saisonniers et de barrages (pour l’ensemble non fonctionnels)

Difficulté d’accès aux centres de santé, éloignement et  paiement…

…/…


Forces / Atouts

Contraintes / Facteurs d’inégalité (observés au cas par cas)

Capital Humain

Soins de santé

Alimentation diversifiée

Éducation / formation  des adultes

Education des enfants

Hygiène et assainissement

Savoir faire et habiletés techniques en matière agricole, artisanat, pêche, transformation…

Force de travail

Accès à l’information : radio, personnes revenant de migrations, déplacement saisonnier, collecteurs, marchés…

État Civil

Présence et retour des élites locaux

Accès inégal aux soins de santé, recours à la médecine traditionnelle

Malnutrition et sous alimentation

Taux d’analphabétisme élevé chez les adultes, peu de programmes et d’accès à alphabétisation

Faible niveau d’éducation formelle, faible niveau de scolarisation des enfants, présence, motivation, niveau et sous effectif d’instituteurs

Notions d’hygiène et d’assainissement mal connus et non prioritaires

Savoir faire techniques hérités (agricole, artisanat, pêche, transformation…), peu de formation et d’accès aux techniques améliorées

Faible pénétration de l’information parlée, écrite, audio, des structures d’appui…

Présence de projets ne bénéficiant pas aux pauvres

Inscription aux registres d’Etat Civil restreint à quelques uns et

Appropriation des ressources par une élite minoritaire

Capital personnel

Accès et utilisation de l’information.

Capacités d’analyse, de réaction et d’adaptation

Confiance en soi  et auto estime

Capacité d’anticipation

Capacité de gestion 

Intégration au sein de la communauté (travaux et fêtes coutumières)

Difficultés à participer aux processus décisionnels au sein de la communauté ou d‘un groupe et de faire prévaloir leurs spécificités, capacités, besoins et droits :

·      Auto exclusion des plus pauvres face à l’accès et à l’utilisation de l’information. Ne se sentent pas en droit de participer

·      Exclus par la communauté à participer (pression sociale)

Capacités d’anticipation, d’analyse, de réaction et d’adaptation peu utilisées et peu stimulées

Confiance en soi limitée et difficulté à se projeter dans l’avenir. Aspirations spécifiques des femmes (cultures maraîchères, planning familial, borne fontaine) des hommes (menuiserie, intensification des cultures, tracteurs, maisons à deux étages, maison en dur en ville)

Capital social

Famille

Entraide familiale et de lignage

Règles du faire valoir indirect 

Prestige lié à la possession de zébus, grande maison, polygamie, engagement de salariés, enfants formés à l’extérieur, groupe électrogène/vidéo, mobilier…

Tradition et facteur de cohésion sociale

Communication et relation avec les institutions externes

Institutions confessionnelles

Comités de vigilance, FRAM et santé

Associations, organisations

Leaders, administration de proximité

Titres de propriété

Obligation en cas de décès, maladies, fêtes coutumières...

Individualisme dans l’accès aux services et à la richesse. Fragilité de réseaux de solidarité extra familiaux

Jours tabous

Régulation du faire valoir indirect contraignante qui accentuent les relations de dépendance, (recours au métayage)

Faiblesse de mécanismes d’inclusion des plus pauvres aux activités génératrices de revenus, intégration dans les groupements et de représentativité au sein de la communauté

Rôle des institutions confessionnelles par rapport à l’accès et aux bénéfices du développement local

Obligation de participation physique et financière aux comités de vigilance, FRAM et santé

Inexistence ou faiblesse des associations ou organisations (activités économiques, gestion d’infrastructures) Communication et relation avec les institutions externes restreinte ou inexistante

Fort pouvoir décisionnel des Leaders et de l’administration de proximité

Prestige et richesse assurent un accès à l’information, aux biens et services et permet de développer le réseau de dépendances

Difficulté d’accès aux titres fonciers


Chocs et tendances auxquels sont confrontés les pauvres

Relations et influences liées aux institutions et politiques

Chocs/Tendances

Climatiques (cyclones, inondations, sécheresse, …)

Épizooties, invasion, attaques, maladies phytosanitaires

Décès, maladies liées à l’eau 

Durée de la soudure

Vols/sécurité

Dégradation des ressources/érosion

Dégradation des  infrastructures de maîtrise de l’eau et de communication

Dégradation du réseau routier

Tendance des marchés /Prix

Crises politiques

Institutions et Politiques

Environnement  social

Tradition : parcellisation des terres/héritage et réglementation de l’accès à la terre. Concentration des pouvoirs (autorités, leader d’opinion, responsables d’organisations)concernant l’accès à l’information, les relations avec les institutions d’appui, le montage de projets et la création de groupements

Capacités/présence des communes – village d’origine des élus et responsables communaux

Environnement institutionnel

Inexistence/présence rare/ineffectivité des structures déconcentrées, des institutions d’appui, de conseil/formation, et de services aux activités économiques (approvisionnement en intrants, IMF,…)

Influence, présence/importance des marchés, des collecteurs/organisations à vocation coopérative (et de leur réglementation : cartes de producteur ou de pêcheur) sur les activités de production  et sur les prix

Proximité de la ville et des axes routiers, des activités économiques (mines, exploitation forestière…)

Quartiers mobiles/postes avancés (sécurité)

Système de gestion/réglementation des aires protégées et ressources minières

Institutions  confessionnelles

Projets

Politiques publiques (Education pour tous, politique foncière, régionale, communale…)



Stratégies et Aspirations exprimées par les Pauvres

Stratégies des pauvres

Stratégies de survie engendrant des dépendances

- Endettement/troc : accès aux semences et autres facteurs de production (pêche, mines, main d’œuvre, …), fêtes coutumières, obligations sociales, décès, frais de santé…)

- Main d’oeuvre : source de revenu, survie alimentaire…

- Adaptation type et quantité d’alimentation au cours de l’année…

- Métayage…

Stratégies d’amélioration des moyens d’existence

- Minimisation des risques et optimisation des ressources par la diversification des activités (ECC, artisanat, cultures maraîchères, transformation, cultures de tanety, prospection minière, forêt/charbon, pêche, cultures de rente, petit commerce…)

- Défrichements, colonisation des terres les plus fragiles (pentes, sommet collines…)

- Migrations et déplacements (Défrichements/exploitation temporaire/saisonnière/permanente de terres agricoles, prospection minière, activité salariée, commerce itinérant, location de terres…)

- Mobilisation sociale (FRAM, classes d’alphabétisation, entraide, construction d’école et de salles de classes d’alphabétisation, recrutement d’instituteurs, mutuelle de santé…)

- Recours à la médecine traditionnelle

- Consommation des produits de la forêt…

- Spéculation/épargne (Bovins, GCV, achat d’animaux…)

- Recours au micro crédit…

Aspirations des pauvres

1 – Valorisation des ressources

Diversification/intensification/optimisation des cultures, de la pêche, de l’élevage et accompagnement technique

Développement des cultures de rente

Gestion des ressources en eau, lutte anti érosive et reboisement des bassins versants

Diversification des activités et renforcement des capacités : Tourisme, Artisanat, sériciculture ; transformation

2 – Amélioration de l’environnement économique

Approvisionnement en intrants et matériel agricole

Amélioration de l’accès au marché et marchés

Accès aux services financiers

Migrations vers Bongolava et pôles économiques

Réhabilitation du réseau routier

Electrification

Salariat

Machines à coudre

Grenier communautaire villageois

3 – Amélioration de l’environnement social

Education des enfants

Organisation/Renforcement des capacités/genre

Alphabétisation

Hygiène, Assainissement, Santé, Adduction d’eau potable, Planning familial

Accès à l’information

4 – Appui institutionnel

Mise en œuvre de la politique sécurisation foncière

Sécurité publique

Etat civil, Renforcement des capacités des communes, Infrastructures, jumelages

5 – Amélioration du cadre de vie

Habitat

Loisirs, Terrain de foot, Vidéos

 



Propositions pour un travail de réflexion

Propositions d’axes de réflexion

Axes de travail potentiels

Constats

Propositions d’idées de stratégies

Inclusion sociale des pauvres

Enjeux :

Faciliter l’inclusion sociale des pauvres en agissant à la fois sur le renforcement de leurs capacités et compétences et leur environnement institutionnel et matériel.

Permettre aux pauvres d’agir comme acteurs de leur développement, de participer et d’influer sur les décisions.

L’analphabétisme et la faible scolarisation aggravent fortement les processus de marginalisation des pauvres, et sont considérés par eux comme les principaux facteurs d’exclusion.

L’éducation des enfants est considérée par les pauvres comme un facteur central d’intégration des adultes dans les processus éducatifs et informatifs.

Un meilleur accès et une meilleure maîtrise de l’information,  de l’écrit, d’outils simples de gestion, et de leurs droits sont considérés par les pauvres comme un puissant levier d’intégration des processus de développement social et économique.

L’absence d’organisation des pauvres ne leur permet pas de participer aux instances et processus décisionnels pour le développement.  

Prioriser l’implantation de dispositifs éducatifs adaptés à la situation des pauvres

- Soutenir les parents, dans le cadre de leurs organisations (FRAM) pour améliorer  le fonctionnement, la gestion et l’efficacité des écoles

- Adapter les outils de programmation et d’intervention régionaux pour faciliter une répartition plus équitable aux ressources allouées à l’éducation

- Impliquer les communes dans la délimitation des zones sensibles et prioritaires intra communales et régionales, la construction des infrastructures, l’affectation et la prise en charge du personnel enseignant, et l’allègement du poids (cantine, matériel, uniforme,…) des frais de scolarité

- Systématiser l’enregistrement des enfants sur les listes d’Etat Civil (jugement supplétif)

Développer et intégrer les outils d’alphabétisation fonctionnelle pour les adultes pauvres (illettrés et néo alphabétisés) dans le cadre des différentes actions et programmes avec des dispositifs mieux recentrés sur leurs problématiques

Développer les outils de sensibilisation, d’animation,  et de conseil, pour appuyer l’émergence et/ou le fonctionnement d’organisations communautaires intégrant les plus démunis donnant accès à des services aux citoyens (Education civique, information, conseil, défense des intérêts, participation aux instances de décision…)

Renforcer la participation légale (représentation/type d’organisation), et qualitative (appui/conseil) des citoyens dans les instances de concertation pour le développement local et régional (CCD, CRD, GTDR,…)

 

Faciliter l’accès des ruraux pauvres aux services de santé, à l’eau potable et améliorer les conditions d’hygiène et d’assainissement au niveau des ménages et des villages.

Les conditions sanitaires existantes dans les villages pauvres,  s’additionnent fréquemment à une forte vulnérabilité alimentaire, et constituent des contraintes très fortes.

Les déterminants de cette situation sont principalement liés à :

- des facteurs qui favorisent la prévalence des maladies (accès à l’eau, qualité de l’eau,  méconnaissance des mesures d’hygiène, déséquilibres alimentaires,…)

- absence de personnel et d’infrastructures de santé, et coût élevé des soins de santé

D’une part, les mauvaises conditions sanitaires fragilisent la force de travail, principal atout de production des pauvres (maladies, obligations sociales,…), d’autres part elles entretiennent de fortes relations de dépendance (endettement/usure, vente sur pied, nécessité de vendre de la main d’œuvre,…) pour parer aux besoins urgents (achat de médicaments, frais liés aux décès,…).

Renforcer les capacités des communes à investir dans les services publiques dans les villages les plus pauvres (approvisionnement en eau potable, hygiène, assainissement), par l’augmentation des ressources communales à travers le développement d’une fiscalité juste et soutenable orientée vers les services aux citoyens et des transferts financiers accrus de l’état :

- Le développement des capacités des communes de contrôle (Respect des clauses contractuelles…)

Développer les capacités de gestion par les communautés des réseaux  d’AEP, de l’hygiène et de l’assainissement dans les villages (Education, organisation, gestion, entretien, sensibilisation sur les questions d’hygiène et d’assainissement…)

Mettre en place des mécanismes permettant une prise en charge partielle des coûts de santé, eau potable et assainissement à destination des plus pauvres (fiscalité, redevance, « vokatra », mutuelles de santé…)

Renforcer les effectifs des CSB, et développer les consultations itinérantes, et renforcer la santé préventive (formation des accoucheuses traditionnelles)

 

Mettre en place des mécanismes pour améliorer la sécurité des biens et des personnes dans les villages pauvres

Les capacités de capitalisation des familles pauvres sont fortement affectées par la prévalence des vols (animaux, récolte, matériel)

Développer, par le biais des Communes et des Fokotany, les messages d’éducation civique pour le respect des biens d’autrui et des biens collectifs

Appuyer l’effort des populations à rendre efficaces les comités de vigilance mis en place au niveau village

Adapter les mécanismes de contribution à la prise en charge des quartiers mobiles en fonction des possibilités des pauvres

 

Inscrire les stratégies pro pauvres dans une vision communale, régionale et nationale

Les politiques communales, régionales et nationales mettent l’accent sur la croissance économique autour de pôles de croissance ou de filières. Cette croissance vise à avoir un impact rapide sur la pauvreté.

Ces politiques gagneraient à intégrer davantage les spécificités des communautés pauvres et à définir des stratégies adaptées de réduction des inégalités qui prennent en compte:

- La réduction des  « handicaps » structurels (accès à l’information, éducation, enclavement,…)

- Plus d’équité dans l’accès aux ressources et aux services

- Une meilleure redistribution des richesses générées…

- Un appui aux activités économiques  qui sont plus facilement accessibles aux pauvres

- La création d’emplois salariés en milieu rural

Appuyer les régions et les communes à développer une vision équilibrée du développement régional en :

- définissant des critères de différenciation des espaces/communautés fragiles

- mettant en perspective développement économique et  développement territorial

- précisant des stratégies de réduction des inégalités sociales et spatiales (Mesures de « rattrapage », de « mise en confiance » des communautés pauvres, équité dans l’accès aux ressources,…)

- favorisant une meilleure distribution/cohérence des interventions publiques et des investissements privés…

- renforçant le fonctionnement des mécanismes de concertation,  en impliquant les représentants des pauvres dans ces instances, en adaptant les outils de pilotage (tableaux de bord, systèmes d’information…) et en renforçant les obligations de  résultats et de rendre compte.

Augmenter les investissements publics  et les transferts financiers aux collectivités territoriales :

- développer une fiscalité soutenable pour les citoyens

Adapter la pression fiscale en accord avec la capacité contributive des plus démunis

Intégration des dynamiques de croissance

Enjeux :

Permettre aux ruraux pauvres de surmonter leurs principaux handicaps et de s’intégrer progressivement au processus de croissance

Permettre aux pauvres de réduire les risques grâce à un meilleur accès aux services de proximité et au foncier

Faciliter l’intégration des pauvres dans l’économie de marché en vue d’une amélioration significative de leurs revenus.

Différents facteurs de risque influent sur les décisions des familles pauvres, limitant ainsi les investissements possibles pour améliorer les performances de l’exploitation/du ménage, les opportunités d’amélioration des revenus monétaires, et restreignant les possibilités de sortie de la situation de crise et de dépendance actuelle.

La réduction des risques (commercial/prix, financier, foncier, aléas climatiques, maladies phytosanitaires et animales,…) repose sur la mise en place de mécanismes organisationnels qui doivent permettre aux pauvres de mieux maîtriser leur environnement économique, d’accéder aux services « de productivité ». Ces mécanismes faciliteront un meilleur fonctionnement des filières agricoles, pastorales, et de pêche.

Développer des outils de conseil de proximité afin d’appuyer les choix techniques et d’investissement des exploitations/ménages (Valorisation des potentiels et des capacités par rapport aux opportunités/développement des filières) :

- développer les référentiels techniques et économiques

- développer des mécanismes d’information et de formation commerciale et technique

- renforcer les supports de communication (documents techniques, animations, cercles d’études, radios…)

- Promouvoir le concept et les techniques de durabilité (fertilité/conservation des sols, LAE, reboisement, gestion des défrichements/feux de brousse)

- développer un service d’animation « organisation professionnelle » s’appuyant sur une logique « qu’est-ce qu’une organisation me coûte, qu’est-ce qu’elle m’apporte et me rapporte en plus (revenu monétaire, réduction des risques, échanges d’expérience…)

Appuyer les ruraux pauvres à  mettre en place des organisations qui leur permettront de gérer un certain nombre de services (Approvisionnement en intrants, commercialisation, information, conseil, réduction des risques, greniers communautaires villageois,…), de faciliter leurs relations avec les autres interlocuteurs, de défendre leurs intérêts, et de s’insérer par le biais d’organisations par filière dans les processus de gestion concertée de filières et/ou de politiques.

Favoriser l’accès des pauvres aux services financiers, en :

- diversifiant les produits financiers des IMF de façon à mieux répondre aux contraintes spécifiques des pauvres (assurances, crédit éducation, etc.)

- adaptant les conditions d’octroi de crédit à leur réalité (garantie, montage des dossiers, niveau d’alphabétisation, conseil de gestion conditions de paiement et échéanciers,…),

- développant les capacités et les outils d’épargne ;

- rapprochant les services financiers des usagers (Banques mobiles) et en améliorant les conditions de suivi  des crédits (implication des OPA)

Développer les capacités des communes à animer des outils de gestion concertée de l’espace et des terroirs (délimitations, meilleur accès des pauvres au foncier,  modes de gestion, délégation de responsabilités, gestion des conflits, arbitrage, contrôle,…), et à améliorer les conditions des faire valoir indirects.

Analyser l’opportunité d’une réforme agraire

Améliorer les systèmes d’information et d’échanges économiques

Renforcer les outils de gestion des filières et les relations : dialogue interprofessionnel, outils contractuels, mécanismes concertés de régulation (prix), structuration de la filière, veille économique, relation avec l’Etat (réglementation)

Développer des outils de formation professionnelle adaptés aux spécificités des pauvres (Dispositifs de proximité, formation pratique, supports écrits de post alphabétisation, support de gestion, recyclages périodiques, appuis à la ferme, animation d’échanges au village, bourses…)

 

Permettre aux pauvres de tirer davantage de revenus de leurs ressources par la diversification des activités à caractère économique

Le développement des activités non agricoles permet aux pauvres :

- de réduire leur vulnérabilité vis-à-vis de contraintes chroniques du secteur agricole (accès au foncier, faiblesse des marchés, accès aux intrants…)

- de pouvoir améliorer la plus value locale sur les différents produits (transformation, conditionnement…)

- d’offrir de nouveaux débouchés à leur produits : artisanat/tourisme…)

- de fournir certains services au secteur agricole : fabrication d’outils, d’équipements, entretien des équipements…

Ces activités sont particulièrement adaptées aux besoins des groupes plus fragiles (femmes, jeunes,…)

Développer des outils de formation professionnelle non agricole adaptés aux spécificités des plus démunis (Dispositifs de proximité, formation pratique, supports écrits de post alphabétisation, support de gestion, recyclages périodiques…)

Développer des outils de conseil technique et économique de proximité ; il s’agit en particulier :

- de maîtriser la demande du marché

- d’organiser l’offre

- d’offrir du conseil technique et économique (Choix d’investissement, montage de dossiers,…)

- d’appuyer la mise en place d’organisations adaptées à l’organisation de la filière et à la demande du marché…

- …



[1] bedana : résidus de sable et de boue entraîné par les crues et descendant sur les rizières

[2] Dahalo : Voleur de zébus

[3] fihavanana : relation de famille